Ungerer encore et toujours

Tomi Ungerer, un géant qui s’incline devant l’enfant.
Pourquoi pas ?

Pourquoi je n’ai pas pu emprunter Jean de la Lune à la médiathèque de Nanterre ? Pourquoi, le lendemain, je ne l’ai pas trouvé au Biblio-Club de Vanves ? Tous les exemplaires étaient sortis ! Ce curieux personnage était-il “pelotonné dans sa boule d’argent, là-haut, tout là-haut…” ? En réalité, les albums de Tomi Ungerer sont empruntés sans cesse, lus et relus… par les enfants.
À partir de Tiffany, Zéralda, Jean de la Lune et des deux enfants malicieux, voleurs des poires de Monsieur Racine, j’ai cherché à comprendre ce si grand attrait pour ces albums publiés de 1968 à 1972.

Tiffany sourit aux brigands qui attaquent en pleine nuit la voiture où elle est seule, avec sa petite poupée. Elle n’a pas peur. Et pourtant, ces brigands font régner la terreur chez les habitants. Zéralda soigne avec douceur le grand géant blessé qui était “prêt à se jeter sur elle”. Et pourtant, cet ogre effrayait les habitants des villes qui tenaient cachés leurs enfants.
Par leur bon cœur, leur regard, leur sourire, leur rire, leurs questions parfois, par leur ingéniosité, ces jeunes enfants sont plus forts que l’armée, plus malins que les gardiens de la prison. Tous parviennent, mine de rien, à transformer brigands, ogres, sorcières, en joyeux bons vivants .
Jean de la Lune n’a pas été bien accueilli : ce n’est que lors d’un bal masqué qu’il est accepté en tant qu’être différent au milieu de personnages déguisés. Il saura lui aussi apporter l’amitié au “vieux Savant oublié : le professeur Ekla des Ombres”. C’est aussi le cœur de Monsieur Racine qui s’est réveillé face à la malicieuse présence des voleurs de poires.

Tomi Ungerer croit en la force des enfants, en leur créativité : ils peuvent transformer les personnes, la société. Lui-même a vécu une enfance très dure : son père est mort quand il avait trois ans et demi ; habitant l’Alsace, il a connu l’annexion de sa région par l’Allemagne, l’interdiction de parler français. Affichiste, décorateur, peintre… Tomi Ungerer a écrit, dessiné pour les enfants depuis les années 60 et il n’a jamais arrêté. À 86 ans, il rassemble les réponses à 100 questions philosophiques des enfants sous le titre Ni oui ni non. Un recueil de courts textes qu’un homme âgé adresse aux enfants et à tous ceux qui ont gardé un regard d’enfant.

À lire pour soi ou à partager en lecture à voix haute, Ni oui ni non est réjouissant : une leçon de vie qui ne veut pas donner de leçons, mais ouvrir à de multiples réponses. L’homme qui a si bien su de son pinceau tracer des images satiriques, parfois cruelles, souvent tendres, donne ce même ton aux réponses qui sont toujours en ni oui, ni non – et nourries de souvenirs de son passé, de son expérience.

 

Madeleine Pottier
in le bateau ivre, journal de l’ACRI, Nanterre (2018)

 

Retrouvez notre précédent article : Tomi Ungerer forever : 100 artistes rendent hommage à Tomi Ungerer.

 

 

Share